Nyamanton : Un Miroir pour la Société Malienne d’hier et d’aujourd’hui

« C’est avec audace que Cheick Oumar SISSOKO a exposé la fracture entre les privilégiés et les oubliés de la société malienne »

Sorti en 1986, « Nyamanton » du réalisateur Cheick Oumar Sissoko, bien plus qu’un film, est une satire sociale percutante qui met en lumière les réalités socio-économiques du Mali des années 1980. Un chef-d’œuvre qui illustre magnifiquement les complexités de la vie urbaine à Bamako, avec une précision et une humanité qui touchent encore le spectateur d’aujourd’hui.

Mais comment les thématiques soulevées dans ce film se comparent-elles aux réalités actuelles de la société malienne ?

Nyamanton, qui signifie littéralement « le dépotoir » en Français, plonge le spectateur dans le quotidien des quartiers populaires de Bamako, où la débrouillardise est la règle d’or pour survivre. Elle dépeint ainsi une société où la pauvreté, la corruption et les inégalités cohabitent magnifiquement. Sissoko utilise l’humour et la dérision pour critiquer une classe politique détachée des réalités du peuple, tout en rendant hommage à la résilience et à la créativité des Maliens face aux défis quotidiens illustrant parfaitement l’expression qui dit « ceux qui se ressemblent s’assemblent ».

La mise en scène du film est marquée par un réalisme brut, où chaque personnage incarne une facette de la société malienne. Le personnage central, souvent confronté à des choix moraux difficiles, incarne l’homme ordinaire aux prises avec un système où la survie passe par des moyens parfois contraires à l’éthique.

À l’époque de la sortie de « Nyamanton », le Mali était confronté à des difficultés économiques majeures : une pauvreté généralisée, l’inflation, et un accès limité aux ressources de base. Cheick Oumar Sissoko a réussi à capturer l’essence de ces problèmes, en les exposant à travers les petits métiers informels, la débrouillardise des habitants et la lutte contre un système corrompu et oppressif.

Le film n’est pas seulement une œuvre artistique ; il est un acte de protestation contre l’injustice sociale et la marginalisation des plus démunis, plaçant le spectateur au cœur des préoccupations des quartiers populaires.

Près de quatre décennies après la sortie de « Nyamanton », la société malienne a évolué, mais certaines problématiques demeurent. La pauvreté et l’économie informelle restent des réalités omniprésentes, et les citoyens continuent de se débattre avec un accès inégal aux services de base. Si des progrès ont été réalisés en matière d’infrastructures et de communication, les défis structurels qui entravaient le développement dans les années 1980 persistent sous de nouvelles formes.

En 2024, les thèmes soulevés par le film Nyamanton restent tragiquement d’actualité. Si les outils numériques et l’innovation offrent de nouvelles opportunités, les inégalités et la corruption freinent encore le développement de nombreuses communautés. Le film nous invite à repenser la place des citoyens les plus vulnérables dans une société en quête de transformation.

Cheick Oumar Sissoko, par son regard incisif et sa maîtrise narrative, a fait de Nyamanton une œuvre intemporelle. Le film demeure une source d’inspiration pour les générations actuelles, rappelant que l’art peut être un outil puissant pour questionner et galvaniser une nation.

Revoir Nyamanton aujourd’hui n’est pas seulement un acte de nostalgie, mais un appel à réfléchir sur ce qui a changé et sur les progrès encore nécessaires pour construire une société inclusive et équitable.

Natiengueba DIARRA

Journal du cinéma et de la télévision

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