
Au Mali, les salles de cinéma se comptent sur les bouts du doigt, les plateformes de streaming se présentent donc comme un souffle nouveau.
Lors d’un échange exclusif, le journaliste et critique de cinéma Youssouf DOUMBIA nous a fait part de sa vision sur les mutations techniques et artistiques de l’industrie cinématographique au Mali.
« Le numérique a simplifié la production cinématographique malienne » affirme Youssouf DOUMBIA. Selon lui, l’abandon des bobines pour les caméras numériques a marqué une rupture décisive, simplifiant le processus de création cinématographique, facilitant la réalisation et le montage des films/séries, rendant la diffusion plus accessible et permettant à un plus grand nombre de jeunes talents d’explorer cet art.
Sur le plan artistique, les récits cinématographiques ont pris un ton plus direct, voire cru, reflétant les changements sociaux a déclaré le critique : « Avant, les thèmes comme le mariage ou la sexualité étaient abordés avec subtilité. Aujourd’hui, ils sont exprimés avec audace et sans détour ».
Quand on lui pose la question à savoir quels sont les défis de l’industrie cinématographique malienne ? Le critique pointe du doigt trois défis majeurs : le Financement, la formation et la distribution : « Malgré les avancés et les progrès du numérique, les coûts de production d’un film reste élevé et les réseaux de distribution demeurent embryonnaires, limitant l’accès des films maliens à un public plus large ».

Youssouf DOUMBIA insiste sur la formation, contrairement aux pays voisins comme la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, des pays qui disposent d’écoles de cinéma, le Mali accuse un grand retard. « Sans une formation solide, nous ne pouvons espérer un cinéma compétitif sur le plan international » explique-t-il.
Ces obstacles n’affectent pas pour autant l’optimisme du journaliste : « Le numérique offre une opportunité sans précédent pour les cinéastes maliens de raconter leurs histoires, de toucher un public mondial et de renforcer leur identité culturelle».
Il souligne que si des plateformes numériques comme YouTube ou Netflix facilitent la diffusion des films, elles ne compensent pas totalement la disparition des salles de cinéma. Pour DOUMBIA, ces espaces allaient bien au-delà de la projection de films : «A mon temps, les salles de cinéma étaient indispensables pour visionner un film, aujourd’hui, les réseaux sociaux, les sites de streaming et les téléviseurs ont démocratisé cet accès, pour autant les plateformes numériques ne peuvent pas les remplacer. Les salles étaient des lieux de rencontre, de divertissement familial et de réseautage, un rôle que les plateformes sont incapables de remplir».
Il devient dont nécessaire de conjuguer cette évolution technologique avec une quête d’excellence artistique : « Il faut de la passion, mais aussi du professionnalisme. Le Mali regorge de magnifiques histoires à raconter, mais encore faut-il les porter avec ambition et rigueur».
Pour Youssouf DOUMBIA, le cinéma malien est à un carrefour, c’est pourquoi, il rappelle que : « Le cinéma, au-delà de son rôle artistique, est un miroir de nos réalités. Sa transformation dépend de notre capacité à innover tout en restant fidèles à nos valeurs ».
Loin d’être une simple adaptation à l’ère numérique, l’avenir du cinéma malien dépendra de la capacité des acteurs du secteur à conjuguer tradition et modernité, tout en investissant dans les talents émergents.
Natiengueba DIARRA
Journal du cinéma et de la télévision
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