
INTERVIEW EXCLUSIVE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT DU CENTRE NATIONAL DE LA CINÉMATOGRAPHIE DU MALI (CNCM), M. BADRA ALIOU DIAKITÉ DANS LES COLONNES DU JOURNAL DU CINÉMA ET DE LA TÉLÉVISION.
Journal du Cinéma et de la Télévision : Monsieur Badra Aliou DIAKITE, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs, s’il vous plaît ?
Badra Aliou DIAKITE : Je suis Badra Aliou DIAKITE, Directeur Général Adjoint du Centre National de la Cinématographie du Mali (CNCM). D’un point de vue académique, je suis titulaire d’une Maîtrise en Lettres modernes de l’Ecole normale Supérieure, d’un Master en Administration et Coopération culturelles du CRAC, et d’un voyage d’études au National Film and Television Institute (NAFTI).
En termes d’expériences professionnelles, j’ai servi successivement à la Direction Régionale de la Culture du District de Bamako, à la Direction Nationale des Bibliothèques et de la Documentation, au Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia Balla Fasseké KOUYATE et actuellement au CNCM.
JCT : Pouvez-vous nous parler du Centre National de la Cinématographie du Mali ?
B.A.D : Le CNCM est un établissement public à caractère scientifique, technologique et culturel placé sous la tutelle du Ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Les activités et les actions menées par le CNCM concourent à l’atteinte des objectifs du Programme 2.048 « Promotion de l’Industrie cinématographique ». La mission principale du CNCM est de contribuer au développement socioculturel et économique par le cinéma et de coordonner les différentes activités cinématographiques au Mali.
Spécifiquement, le CNCM est chargé de :
- contribuer à la promotion des films maliens au Mali et à l’étranger ;
- favoriser les échanges entre les professionnels du cinéma à l’intérieur et à l’extérieur du pays ;
- assurer la conservation et la gestion des archives cinématographiques ;
- produire des films d’actualité, des films documentaires ou artistiques ;
- contribuer au développement du cinéma ambulant ;
- soutenir et développer la production et la coproduction de films ;
- tenir le registre public de la cinématographie ;
- délivrer les autorisations de tournage de films et les cartes professionnelles du cinéma.
JCT : Quelle est la différence entre le Centre National de la Cinématographie du Mali et le Fonds d’Appui à l’Industrie Cinématographique ?
B.A.D : En complément à la gouvernance du secteur du cinéma assurée par le CNCM, le FAIC a été crée pour apporter et gérer le concours financier de l’Etat à la production et à la coproduction afin d’assurer à nos films une assise artistique et technique leur permettant de rivaliser avec les productions des autres pays. Pour rappel, ce concours financier de l’Etat constitue une dotation initiale de 6 milliards de FCFA, qui malheureusement n’a pas encore été mis en place. Pour répondre à votre question, il faut retenir que le CNCM s’occupe de la Gouvernance et la régulation du secteur tandis que le FAIC s’occupera quant à lui du financement du cinéma à travers le fonds dont je viens de parler.
JCT : Quels sont les grands chantiers que le CNCM mène pour la régularisation du secteur ?
B.A.D : Le CNCM s’est depuis toujours inscrit dans une dynamique d’amélioration du secteur à travers d’abord la professionnalisation du secteur qui se traduit par la matérialisation de la carte professionnelle du cinéma et de l’audiovisuel et l’institution en cours du visa et du registre cinématographiques. Ensuite, le CNCM s’est attaqué à l’immense projet de formation à travers le programme IN’PACT CINEMA qui a vu la formation en 2022 et 2023 de plus de 200 jeunes dans les corps de métiers techniques du cinéma. Enfin, nous nous attelons aujourd’hui à la création d’un marché intérieur du cinéma toute chose qui reste assujettie à la réhabilitation des 7 salles de cinéma à travers le pays.
Par ailleurs, un travail de structuration a été mené avec l’appui à la création de 16 organisations professionnelles pour tous les corps de métiers et l’organisation de ces différentes organisations au sein d’une entité unique dénommée la Fédération nationale des Cinéastes du Mali (FENACAM) tout en entretenant de bonnes relations professionnelles avec la Maison des Cinéastes dans les domaines de la formation et un appui-conseil aux Productions.

JCT : Lors de l’atelier tenu le mardi 24 octobre 2024 au MMK sur le thème : « Problématique du financement de l’industrie cinématographique et mécanismes de développement des ressources pérennes du Fonds d’Appui à l’Industrie Cinématographique », vous avez souligné avec insistance de privilégier la dimension commerciale sur la dimension artistique de nos productions. Selon vous, quelles sont les dispositions à prendre à cet effet ?
B.A.D : La difficulté fondamentale de nos productions reste le manque, l’absence dirais-je, de financement et ce depuis bien longtemps cependant d’autres problèmes non moins importants grèvent sur le nouvel envol tant souhaité de notre cinéma. Aux problèmes de structuration et de professionnalisation du secteur s’ajoute l’épineuse question de la vision. Nous avons bien longtemps épousé une vision artistique dans l’écriture et la réalisation de nos films, cela à juste titre ; autres temps autres mœurs, le cinéma a depuis évolué. De nos jours, on parle plutôt d’Industrie cinématographique par conséquent, il revient aux professionnels, principalement aux producteurs de revoir la vision qu’ils ont de leurs œuvres. Le cinéma, cette Industrie comme toutes les autres se doit de privilégier les dimensions économiques donc de rentabilité prioritairement pécuniaires. Cet état de fait contribuera à n’en point douter à attirer des investisseurs, mécènes et autres établissements financiers. C’est seulement au prix de cette approche de rentabilisation commerciale que naîtra l’âge d’or du cinéma malien. Vous savez bien que notre secteur souffre de propos peu valorisants auprès de certaines structures budgétaires qui sous-tendent que le cinéma est dispendieux avec un investissement à perte.
JCT : En 2024, combien de productions cinématographiques ont eu lieu dans le pays et quels sont les plans d’action du CNCM pour l’année 2025 ?
B.A.D : Il est difficile pour nous aujourd’hui de donner des chiffres exactes sur le nombre exact de productions nationales du fait du manque de structuration. En 2025, nous projetons de concert avec la FENACAM et la MCIMA la poursuite du processus de délivrance des cartes professionnelles du cinéma et de l’audiovisuel couplé à celui de l’identification et du catalogage des sociétés de production, processus qui seront sanctionnés par l’institution du visa et du registre cinématographiques. De là, nous arriverons à donner exactement le nombre de films maliens et étrangers produits sur le territoire malien.Pour revenir à votre première question, sur les deux dernières années, nous estimons à environ une centaine de films, tous genres confondus, produits, nationaux comme étrangers.
JCT : Un mot pour vos partenaires privilégiés, les professionnels du 7ème Art ?
B.A.D : Pas grand-chose, à leur endroit, je dirai que le cinéma malien a le potentiel pour briller. Ils sont comme l’avez dit nos partenaires de premier ordre, ils vivent du cinéma par conséquent il leur revient de s’impliquer activement à tous ces processus qui sous-tendent la structuration, la professionnalisation et le financement du secteur du cinéma et de l’audiovisuel.
Malick SANGARÉ
Journal du Cinéma et de la Télévision
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