
Un comédien joue, un dramaturge écrit, telle est la conclusion qui est ressorti lors d’une tirade pédagogique avec l’acteur, enseignant et dramaturge malien Lamissa TRAORÉ sur une confusion fréquente dans le milieu artistique : celle entre comédien et dramaturge.
Lors d’un entretien, Lamissa Traoré est revenu sur son parcours cinématographique et ses perspectives pour l’avenir du 7ème art au Mali.
« C’était tellement salissant qu’on avait peur de se laver la nuit » c’est par cette phrase que Lamissa TRAORÉ évoque son expérience dans le film « Toile d’araignée » du réalisateur Ibrahima LY. Tourné dans une ancienne prison à Niono, pour l’acteur, le voile entre le rôle et la réalité semblait presque insistante lors de la réalisation de ce film « c’était intense, on vivait nos personnages comme si nous y étions encore après la fin du tournage ».
TRAORÉ n’a pas volé sa place sur le grand écran, non, son talent s’est révélé dans des œuvres marquantes comme « Les rois de Ségou », où il tient le premier rôle. Un tournage qu’il décrit comme “très intense”, avec la pression à porter le visage d’une série sur ses épaules « j’étais soumis à beaucoup de pressions, mais j’ai tenu bon. À la fin, vous avez pu déguster le fruit de ce travail acharné sur vos écrans » a-t-il déclaré.
Il a aussi traversé les frontières avec des rôles dans « Tourbillon à Bamako », réalisé par un cinéaste espagnol, et « Les frontières », mis en scène par un réalisateur burkinabé. Modeste malgré un CV impressionnant, il précise : « Chaque expérience compte pour moi, j’ai également joué dans des productions plus petites, avec des professionnels comme avec des débutants ».

Son ton devient plus grave lorsqu’il aborde l’état du cinéma malien, un terrain fertile, mais semé d’embûches : « Le cinéma malien évolue, mais il est freiné par le manque de moyens financiers. Les réalisateurs et les cinéastes ont des idées et des projets, mais n’arrivent pas à les concrétiser faute de financements ». À ses yeux, ce n’est pas le talent qui manque, mais le soutien nécessaire pour transformer ces idées en œuvres tangibles.

Pour le dramaturge, la formation est un autre défi majeur pour l’industrie cinématographique malienne « Les jeunes doivent comprendre qu’on ne peut pas brûler les étapes. Il faut se former avant de vouloir réussir. Le cinéma est un métier exigeant, pas un raccourci vers la célébrité ». Un message clair et franc, destiné à une génération qui rêve parfois plus vite qu’elle ne travaille.
Lamissa TRAORÉ reste néanmoins optimiste, car il voit dans les nouvelles technologies une opportunité incontournable pour le cinéma malien. Plus surprenant encore, il insiste sur un aspect souvent ignoré : le cinéma pour enfants « On oublie les jeunes spectateurs. La plupart des films maliens ne s’adressent pas aux enfants, et c’est une erreur. Nous dévons produire pour eux, les éduquer par le cinéma, offrir à nos enfants des histoires qui leur parlent et qui les inspirent ». Une réflexion inattendue qui pourrait bien marquer un tournant dans les débats sur la production cinématographique au Mali.
À travers ses mots, on devine une vision claire et déterminée : celle d’un cinéma malien qui a tout pour devenir une force majeure. TRAORÉ rêve d’une industrie solidaire, ancrée dans ses réalités locales, mais ouverte sur le monde, nourrie par la technologie et tournée vers un public diversifié, y compris les enfants.
« Le cinéma malien, c’est un géant aux pieds nus. Mais il avance. Lentement, peut-être, mais sûrement ». Dans la lumière des projecteurs comme dans l’ombre des anciens plateaux de prison, Lamissa TRAORÉ ne joue pas seulement, il incarne ses personnages et inspire par sa polyvalence.
Natiengueba DIARRA
Journal du Cinéma et de la Télévision
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