
Le cinéma est cet art à la fois puissant et vulnérable, l’art qui reflète l’âme du Mali tout en luttant pour sa survie.
Sous l’ombre protectrice du centre international de conférence de Bamako (CICB), des acteurs culturels, artisans et décideurs se sont réunis dans la capitale malienne pour tracer une nouvelle feuille de route pour la culture, l’artisanat et le tourisme au Mali. C’était à l’occasion des États généraux de la culture.
Pour cette première initiative, le cinéma a su se démarquer lors des discussions : comment redonner ses lettres de noblesse au cinéma malien, cet art longtemps adulé mais désormais à la dérive ?
Pour répondre à cette question nous nous sommes entretenus avec le réalisateur émérite Salif TRAORE.
C’est avec la passion d’un artiste engagé que Salif TRAORE pris la parole : « le cinéma est un carrefour de toutes les expressions artistiques, un pont entre le passé et l’avenir ». Pour lui, le problème principal réside dans l’absence de professionnalisme et de soutien structurel. Bien que reconnu internationalement, le cinéma malien souffre d’un paradoxe : il est à la fois riche d’histoires à raconter et pauvre en infrastructures pour les diffuser. « Il ne s’agit pas seulement de créer, mais de savoir structurer. Le cinéma doit être soutenu par des professionnels formés et des mécanismes robustes », a-t-il déclaré.
La formation ou la clé du renouveau
L’une des conclusions majeures des États généraux est l’urgence de réinvestir dans la formation sans oublier l’expérience des pays voisins, notamment le Sénégal et le Burkina Faso, qui démontre parfaitement l’impact de l’investissement dans la formation sur leur industrie cinématographique.
Pour TRAORE, cela ne signifie pas uniquement de former les réalisateurs, mais également renforcer les compétences des techniciens, producteurs et acteurs. Il ajouté « La passion seule ne suffit pas. Apprendre les bases est indispensable pour créer des œuvres cohérentes et impactantes qui rivalisent sur la scène internationale ». Il a non seulement plaidé pour des écoles de cinéma de haut niveau, mais aussi pour des ateliers accessibles dans les zones rurales, où le potentiel artistique reste inexploité.
Si la formation est essentielle, elle n’est rien sans un soutien financier solide. Salif TRAORE a été catégorique : « Tant que les moyens ne sont pas mis à disposition, les cinéastes continueront de lutter pour exister ». Cette réalité amère reflète une problématique plus large au Mali, où les arts et la culture sont souvent relégués au second plan dans les politiques publiques.

Les fonds publics dédiés au cinéma sont insuffisants, et le secteur privé reste frileux à investir. Le réalisateur propose donc la redynamisation du fond d’appui à l’industrie cinématographique, financé par des partenariats publics-privés et des contributions internationales. « Nous devons valoriser nos histoires pour qu’elles deviennent des richesses exportables », a-t-il souligné.
Un écosystème à reconstruire
Les États généraux ont également révélé un défi de taille : la fragmentation du secteur. Producteurs, scénaristes et diffuseurs travaillent souvent en vase clos, limitant ainsi les synergies nécessaires à un écosystème cinématographique florissant. Pour y remédier, TRAORE propose un modèle inspiré des industries créatives, où les divers acteurs collaborent sous une vision commune : « Le cinéma n’est pas seulement un art, c’est une industrie. Et une industrie nécessite une planification rigoureuse ».
Enfin, le réalisateur a rappelé que les histoires portées à l’écran doivent refléter les réalités et les traditions maliennes tout en s’ouvrant aux innovations technologiques : « nos récits, inspirés des griots, doivent dialoguer avec le monde. Le numérique offre une opportunité de projection mondiale qu’il faut saisir ».
Les plateformes de streaming et les partenariats avec des festivals internationaux pourraient nous ouvrir de nouvelles perspectives mais pour cela, il faut une volonté politique forte et un engagement collectif.
Une lueur d’espoir
Alors que les débats des États généraux se sont achevés, une chose est claire : le cinéma malien possède tout le potentiel pour devenir un levier majeur de développement économique et culturel. Afin d’atteindre cet idéal il doit éviter de tomber dans le piège de l’amateurisme.
« Le Mali n’a pas seulement des histoires à raconter. Il a des rêves à partager. Il est temps que le monde les découvre » c’est ainsi que le réalisateur Salif TRAORE, les yeux pétillants d’espoir, conclut l’entretien.
Natiengueba DIARRA
Journal du Cinéma et de la Télévision
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