LA Place des cinéastes, Une mémoire du cinéma africain

Situé sur l’avenue Kwamé N’Krumah, la Place des Cinéastes se dresse tel un hommage vibrant au 7ᵉ art et à ceux qui le font vivre.

Depuis près de quatre décennies, il trône fièrement au cœur de Ouagadougou, sur la mythique Place des Cinéastes. Véritable emblème du FESPACO et du cinéma africain, ce monument, représentant une caméra pointée vers le ciel, symbolise l’élévation et l’immortalisation de la culture cinématographique du continent.

Une œuvre née dans l’urgence

Nous sommes en février 1987, à deux semaines seulement du lancement du 10ᵉ FESPACO. Le président Thomas Sankara, fervent défenseur de la culture et du cinéma africain, souhaite doter la capitale burkinabè d’un monument dédié au septième art. Plusieurs maquettes sont proposées par des architectes et sculpteurs de l’époque. Parmi elles, une retient particulièrement l’attention : celle d’une caméra monumentale braquée vers le ciel, conçue par Boubakar Galbani.

Le défi est immense : en seulement quelques jours, il faut concevoir, fabriquer et installer une structure métallique de 12,25 mètres de haut, pesant 10 tonnes et entièrement façonnée en tôle de 4 mm d’épaisseur, renforcée par de gros tuyaux à l’intérieur. C’est dans les ateliers de l’A.C.M.D. (Atelier de Construction Métallique et Divers), à Kossodo, que débute l’incroyable aventure de sa construction.

Un chantier titanesque

La fabrication du monument s’effectue dans une course contre la montre. Chaque pièce est façonnée avec minutie, soudée avec précision, dans une atmosphère de ferveur où la passion et la détermination l’emportent sur la pression du temps.

Mais une fois l’œuvre achevée, un autre défi de taille se présente : le transport. À l’époque, le Burkina Faso ne dispose que d’une seule grue. L’acheminement de l’imposante structure de Kossodo à la Mairie de Ouagadougou, où elle doit être érigée, devient un véritable parcours du combattant. La gendarmerie est appelée à la rescousse pour assurer la sécurité et dégager le passage.

Le jour du dévoilement, les autorités avaient prévu une mise en scène spectaculaire : un hélicoptère devait soulever la grande bâche recouvrant le monument pour révéler l’œuvre au public et aux invités prestigieux du FESPACO. Mais l’hélicoptère ne vint jamais.

Face à cette imprévue, Boubakar Galbani et son équipe n’ont d’autre choix que d’improviser. À mains nues, ils tirent la gigantesque bâche, dévoilant ainsi au monde entier ce qui deviendra l’un des symboles les plus puissants du cinéma africain.

Un héritage gravé dans le métal et la mémoire

Au pied du monument, une plaque en béton armé porte les noms des techniciens ayant participé à cette œuvre. Avec fierté, Boubakar Galbani raconte : « Cette plaque, je l’ai fixée moi-même, de mes propres mains.

« Aujourd’hui, ce monument ne se contente pas d’orner la Place des Cinéastes. Il incarne la mémoire du FESPACO, la détermination des artistes africains et l’hommage éternel à l’âge d’or du cinéma du continent. Un héritage bâti dans l’urgence, mais qui résiste au temps, tel un film gravé dans l’histoire.

Malick SANGARÉ

Journal du Cinéma et de la Télévision

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