Madi: Un film qui ne donne pas de réponses, mais pose les bonnes questions

« Faire un film, ce n’est pas juste montrer, c’est obliger à voir. » cette phrase de Ramata Maïga, la réalisatrice du court métrage « MADI », nous résume le film, qui plonge le spectateur dans un duel moral, nous poussant à choisir entre intégrité et compromis.

Sélectionné au FESPACO 2025, la réalisatrice derrière le film MADI n’a pas choisi la facilité. Son cinéma bouscule les certitudes, pousse à l’introspection et oblige à regarder ce que l’on préfère ignorer. Dans cet entretien, elle nous parle de son combat pour un cinéma qui interroge, qui responsabilise et qui, surtout, refuse le silence.

Journal du cinéma et de la télévision : Qu’est-ce qui vous a inspirée pour réaliser « MADI » ? Est-ce une histoire basée sur des faits réels ?

Ramata Maïga : Avant tout, je tiens à remercier « Accountability Lab », sans qui « MADI » n’aurait jamais vu le jour, ainsi que « Vortex groups » , mon équipe technique et mes acteurs pour leur engagement et leur disponibilité.

J’ai été touchée par le scénario de MADI, car il résonnait avec la réalité que vit mon pays, surtout dans un moment de crise. Bien que l’histoire de MADI ne soit pas directement basée sur des faits réels, elle est inspirée par des situations que nous voyons tous les jours.

Des dirigeants pris entre leur conscience et les pressions d’un système corrompu. Ce film est un appel à la responsabilité, à travers ce film, j’ai voulu montrer que chaque personne peut être acteur du changement, et que nos choix individuels, aussi petit soit-il, compte dans la construction d’un avenir meilleur.

JCT : Votre film aborde des thèmes comme l’intégrité, la corruption et la pression sociale. Quel message principal souhaitez-vous transmettre au public ?

RM : Ce court-métrage invite chacun à s’interroger sur sa propre intégrité, sa responsabilité face à la corruption et sa capacité à résister à la pression sociale. À travers l’histoire de MADI, je souhaite créer un espace de dialogue intérieur, une sorte de miroir dans lequel chacun peut se reconnaître et repenser son rôle dans la société.

Le film ne donne pas de réponses toutes faites, mais il nous invite a de réflexion pour que chacun puisse, prendre position et agir en conséquence.

JCT : Comment avez-vous choisi vos acteurs et quelles ont été les principales difficultés rencontrées lors du tournage ?

RM : Dès le départ, je savais exactement qui je voulais pour incarner ces personnages. Je leur ai proposé le projet et ils ont accepté, sans poser de questions, sans même parler d’argent. Il est essentiel de souligner qu’aucun acteur n’a été rémunéré. Chacun est venu avec son énergie, son talent et son engagement pour faire de ce film un projet collectif. Nous n’avons pas fait un film. Nous avons mené un combat.

Quant aux difficultés rencontrées, je préfère les voir comme des challences qui nous ont permis de grandir. Ce tournage faisant partie d’une formation, il a été pour moi une source d’apprentissage. Les contraintes auxquelles nous avons été confrontés nous ont poussés à faire preuve de créativité et à travailler avec des moyens limités. Plutôt que de les voir comme des obstacles, je les perçois comme une véritable force, courage malgré les limites.

JCT : Que représente pour vous la sélection de votre film au FESPACO, et qu’attendez-vous de cette participation ?

RM : La sélection de MADI au FESPACO est à la fois une fierté et un honneur. Cette reconnaissance est le fruit d’un travail acharné, de passion et d’un engagement collectif. Elle témoigne que nos efforts ont porté leurs fruits. Cette sélection me donne la force de redoubler d’effort et de viser toujours plus haut.

JCT : Selon vous, quel est le rôle du cinéma dans la sensibilisation et la dénonciation des maux de la société, notamment en Afrique ?

RM : Le cinéma est un miroir de la société et un puissant outil de sensibilisation en Afrique. Il met en l’accent sur des réalités souvent ignorées, dénonce les injustices et encourage la réflexion.

Comme le disait Ousmane Sembène, il est une arme au service du peuple, capable d’éveiller les consciences et d’inspirer le changement. Au-delà de la dénonciation, il permet aussi de découvrir et de comprendre d’autres cultures. Pour avoir plus d’impact, il doit bénéficier d’un soutien institutionnel et d’un engagement collectif.

JCT : Après MADI, avez-vous d’autres projets cinématographiques en préparation ?

RM : Un artiste n’arrête jamais de créer. Eh Oui, j’ai des projets : un documentaire, un autoportrait, un court-métrage en préparation et un long-métrage en développement. Le problème n’est pas l’inspiration. C’est le financement. Trop souvent, nos projets restent bloqués faute de moyens. Mais « MADI » a prouvé qu’avec de la détermination et une équipe engagée, on peut déplacer des montagnes. Et je compte bien continuer.

Ramata Maïga n’est pas une réalisatrice comme les autres. Elle ne cherche pas à plaire. Elle ne cherche pas à adoucir les angles. Son film est un cri qui dérange, un cri qui éveille. Avec « MADI », elle ne se contente pas de raconter une histoire. Elle tend un miroir à son public et l’oblige à affronter ses propres contradictions. Le cinéma, pour elle, n’est pas un divertissement, c’est un acte de résistance. Et si l’on en croit le succès de « MADI », son combat ne fait que commencer.

Natiengueba DIARRA

Journal du Cinéma et de la Télévision

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